mardi 15 octobre 2013

L'académie Nobel se fiche pas mal du travail de paillasse (et elle a tord)

 Petit billet explicatif sur le récent prix Nobel de physique, encore sous forme de question réponse.

- Alors, que c'est-il passé la semaine dernière ?
Et bien, c'était la semaine des Prix Nobel, la semaine de l'année (deuxième d'octobre je crois) pendant laquelle sont remis les Prix Nobel. Historiquement, il y en a cinq, physiologie et médecine, physique, chimie, littérature et paix (je laisse de coté l'économie).

- Et qui a été récompensé cette année en physique ?
Le belge François Englert etle britannique Peter Higgs pour leurs travaux sur la physique des particules et sur les particules sub-atomiques (plus petites qu'un atome).

- Higgs ? Ça me dit quelque-chose...
Votre mémoire est bonne. Peter Higgs a donné son nom à une particule particulière, le boson de Higgs. Il s'agit d'une particule fondamentale qui, si je me souviens bien, est censée donner de la masse aux objets (non, la physique n'est pas mon domaine de prédilection).

- Et leurs découvertes n'ont pas eu assez d'impact sur la physique ?
Au contraire ! Les travaux récompensés sont primordiaux pour la compréhension du monde qui nous entoure. Vous expliquer pourquoi et comment dépasse largement le cadre modeste de mes humbles compétences, mais si l'anglais ne vous rebute pas, il faut aller voir cette vidéo qui est tout simplement géniale.

- Alors qu'est-ce qui cloche ? Les scientifiques récompensés ne méritent-ils pas le prix ?
Si, ils le méritent amplement par le fait simple qu'ils ont posé un modèle, le modèle qui décrit les particules sub-atomiques. La simple découverte du boson de Higgs est un pas significatif dans la compréhension du gros maelström qui nous entoure.

- Attendez, il y a bien quelque-chose qui cloche alors avec ce prix ?
Oui, un petit quelque-chose mais qui en dit long sur le Prix Nobel et sur le fonctionnement de la science.
Les deux savants nommés plus haut ont donc posé un modèle sur du papier et rien de plus ou presque. Le modèle fonctionne sur papier (sinon il n'aurait jamais été considéré sérieusement) mais ça s'arrête là. Certaines choses très importantes (dont le boson de Higgs) sur le papier n'avait pas jusqu'à plus ou moins récemment été observé en vrai dans la nature.

- Ah. Et ?
Et bien il a fallu prouver l'existence de ces particules, notamment du boson de Higgs.

- Ah oui, et c'est à ça qu'a servi le gros accélérateur de particules à coté de Genève !
Oui, le Large Hardon Collider (LHC pour les intimes). C'est un gros accélérateur de particules donc, qui marche comme ceci : on accélère des particules à des vitesses énormes, on les fait rentrer en collision et on regarde ce qui en sort (un peu comme si on crashait deux voitures l'une contre l'autre pour confirmer l'existence du joint de culasse). Il faut savoir que ce LHC et a été une énorme entreprise, une collaboration entre plusieurs pays, des milliers (oui oui, des milliers) de personnes travaillant sur place sur cette grosse expérience.

- Donc l'accélérateur a fait son boulot, les scientifiques aussi, où est le problème ?
Le problème est que l'académie des Prix Nobel n'a récompensé que les deux théoriciens cités plus haut. Et eux seuls. Les travaux effectués au LHC ont bien été mentionné mais seulement mentionné. Ce que semble considérer l'académie des Prix Nobel est que le travaille expérimental, de paillasse, compte moins que le travail théorique. Un deux poids deux mesures qui est un peu dur à avaler.

- Alors il aurait fallu que le Prix aille aussi au LHC ? Pourquoi cela ne s'est-il pas fait ?
Pour plusieurs raisons. Déjà, le LHC est le nom de la machine, l'organisme qui gère tout ça est le CERN (Organisation Européenne pour la Recherche Nucléaire). Ensuite, le CERN ne pouvait pas se voir décerner le Prix car les Prix Nobel scientifiques ne vont qu'à des personnes, pas à des organismes.

- Ah bon ?
Et oui. C'est Alfred Nobel himself qui a posé ces règles quand il a créé les Prix. Il faut dire qu'à l'époque (tout début du 20ième siècle quand même), les grands noms de la science faisait tout eux-mêmes. Ainsi Pierre et Marie Curie étaient aux fourneaux pour touiller la matière et chercher le radium en plus d'être devant le tableau noir pour modéliser tout ça. Entre cette époque et maintenant, la science a pas mal changé et il est rare de voir ceux qui dirigent des équipes mettre eux-même la main à la pâte. Ils sont là pour diriger les recherches, orienter les travaux et chercher de l'argent tandis que les étudiants en thèses et post-doctorants passent leur temps les mains dans le cambouis. De même, les découvertes et avancées fondamentales de nos jours se font à l'aide de moyens techniques assez considérables et il est impossible de tout faire soi-même.
Un exemple récent est le séquençage du génome humain. C'était un consortium de beaucoup de laboratoires, beaucoup de personnes, de moyens, de machines. Même s'il y avait un homme qui dirigeait le projet, il ne pouvait pas à lui seul recevoir tous les lauriers quand le projet fut complété.

- Donc il faudrait changer les règles du Prix.
Pas forcément (et j'imagine que c'est très compliqué). Cette histoire met juste en lumière le fait que la science, la façon dont les découvertes sont faites, dont le travail de base est fait, a bien changé depuis un siècle, en bien ou en mal c'est un autre débat. La légende encore vivace je crois et propagée par les Prix Nobel du chercheur seul dans sont petit laboratoire isolé révolutionnant seul ou presque la science est loin, bien loin de la réalité.

Ceci étant dit, cela ne me déplairait pas d'en gagner un...

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